Interview d’un médecin français exerçant aux Etats-Unis

Aujourd’hui, sur le blog, j’interviewe un médecin français, résidant et exerçant aux Etats-Unis. Le Docteur Valérie Gurlé n’exerce plus aux Etats-Unis mais son témoignage reste intéressant.

Docteur Valérie Gurlé, médecin français

Parce-qu’il est important de donner la parole aux acteurs de la santé américaine, j’ai choisi aujourd’hui de vous faire connaître son point de vue de médecin qui a une double particularité : Valérie est française et avait fait ses études en France. Elle a travaillé en France, puis quand elle est arrivée aux Etats-Unis, elle a passé des examens pour obtenir l’équivalence de son diplôme ici et pouvoir exercer.

médecin français aux Etats-Unis
Dr valérie Gurlé

1-Bonjour Valérie, pourriez vous vous présenter

Je m’appelle Valérie Gurlé et j’ai un cabinet de Médecine Interne à Los Altos en Californie, ouvert depuis Janvier 2012. (A la date du 29 août, le cabinet a été fermé)

2-Pourriez-vous nous parler de votre parcours ?

A l’origine je suis un médecin français généraliste. J’ai fait mes études de médecine à Paris et mon internat en médecine Générale a Nice. J’ai travaillé en France pendant plusieurs années ; tout d’abord en remplacement, puis par la suite j’ai été en en poste à Monaco à l’hôpital Princesse Grace comme médecin urgentiste. Nous avons quitté la France en 1998 et émigré aux Etats- Unis.

Pour pouvoir pratiquer aux Etats-Unis, il a fallu que je passe tous les examens que les étudiants en Médecine passent au cours de leur 4 années de « Graduate School » puis que je  fasse à nouveau un internat (de 3 ans pour la Médecine Interne). J’ai ensuite passé l’examen pour être « Board Certified » et postuler pour obtenir ma License.

3-Que pensez vous de l’approche médicale aux Etats-Unis en quoi diffère-t-elle de celle pratiqué en France ?

J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir pratiquer dans 2 systèmes très différents, et complémentaires. Je pense que l’approche médicale aux Etats-Unis est très « basée sur les évidences scientifiques ».  Ils ont une large population et sont donc la source de la plupart des études, essais thérapeutiques. Ils ont ainsi beaucoup d’arbres décisionnels basés sur les résultats de ces études. Si ce n’est pas prouvé en général, cela ne se fait pas.

4-Est ce que vous diriez que l’approche de la médecine en France est un peu plus intégrative, en tout cas moins cloisonnée : avec par exemple, une meilleure diffusion de l’homéopathie et des médecines douces, et un meilleur relai via le pharmacien ?

En effet, aux Etats Unis, il y a une tendance à envoyer chez le spécialiste très rapidement par souci d’économie de temps. Les tranches de consultation sont d’environ 15/20 minutes et le nombre de questions que vous avez le droit d’aborder par visite est limité. Donc le médecin n’a pas le temps de se pencher beaucoup sur les médecines parallèles. L’interaction avec les pharmaciens est elle aussi très limitée, et souvent dans un lieu peu propice (entre les chips et les cahiers au fond du magasin), ce n’est pas forcément le meilleur endroit pour des questions personnelles.

En quoi le fait que le médecin ne prenne pas autant de temps avec le patient qu’en France peut-il nuire au diagnostique ?

Oui bien sur, un patient ce n’est pas seulement des symptômes mais aussi sa vie de tous les jours, sa famille, sa gestion du stress, sa vie professionnelle, son alimentation, son sommeil. Comment peut on aborder tous ces sujets en 15 minutes ?

5-Prescrit-on différemment en France par rapport aux US ?

Oui surtout pour la médecine de confort, ce que je veux dire c’est que quand on a un rhume ou un simple mal de gorge, on ressort souvent de chez le généraliste en France, avec une longue ordonnance. Ici pour la même chose, on ressort avec rien, et en cas de doute ou de changement on revient dans 2 jours.

Oui mais justement, une consultation de médecin coûte chère (sauf si tu as un co-paie) et souvent, quand on ressort sans rien, on a l’impression d’avoir gaspillé son argent et surtout de ne pas avoir été entendu : on a tendance du coup, à se diriger vers ce qui est disponible dans le circuit de grande distribution. Le fait que des médicaments symptomatiques dangereux, soient présents dans ce circuit sans conseil adéquate et sans beaucoup d’informations, n’incite-il pas à se rabattre vers ce genre de médication sans control médical : je pense à des gens qui prennent de l’Afrin® depuis des années, ou des anti-inflammatoires, voire tout simplement de l’acetaminophen ??? 

En effet cela favorise l’automédication incontrôlée, les surdosages etc…le fait de devoir réfléchir à 2 fois avant de voir son médecin engendre parfois de mauvaises décisions. D’un autre côté en France certains patients abuseront du système dans l’autre sens. En fait un “ vrai « pharmacien conseil » serait un plus.

 6-L’information médicale est-elle bien relayée dans la population ?

Comme toute information donnée au public elle est biaisée. Un exemple très récent est la publication de la liste des médecins les plus payés par Medicare (donc par l’Etat) sans expliquer le coût d’opération des cabinets médicaux de ces médecins, cela a donne une fausse impression que ces médecins gagnent de l’argent au profit de l’Etat et détourne le système.

7-En quoi le poids des assurances modifie-t-il le comportement de tout un chacun ?

Aux Etats-Unis selon son assurance, on peut être emmené à dépenser beaucoup soi-même pour  des visites ou des médicaments, cela dépend de son « plan d’assurance », il y a une franchise (deductible) avant laquelle rien ne sera pris en charge. Cette franchise peut s’élever à $5000. Donc cela peut inciter les patients à ne pas aller consulter pour un oui ou pour un non, mais aussi de discuter le bien fonder des prescriptions d’examens complémentaires. Il y a aussi des réseaux associés aux assurances, plus ou moins restrictifs, qui vous obligent à choisir dans un groupe de médecin particulier.

Oui et à contrario cela ne donne pas de frein à certains médecins qui pour se couvrir prescrivent des examens inutiles : du coup cela change la perspective : je pense à ma fille de 10 ans à qui, un scanner (3000$) avait été prescrit pour un simple mal de tête : un peu dommage que le médecin n’ait pas pensé qu’elle avait une fatigue oculaire …. 

 La c’est plus en rapport avec ce que l’on appelle “ la médecine parapluie”  le “ liability” des médecins, ils ont tellement peur des poursuites judiciaires et de passer à côté de quelque chose qu’ils se protègent ce qui les emmènent à prescrire des examens inutiles. De plus, comme ils sont pressés par le temps, ils se reposent de plus en plus sur les examens complémentaires.

8-Vous avez choisi d’intervenir en tant que Direct Pay physician : quel est le principe ? 

“Direct Pay physician » veut dire que les patients doivent me payer au moment de la visite. Je leur établis ensuite une facture qu’ils peuvent se faire rembourser par leur assurance. Selon leur plan d’assurance, les remboursements varient. L’avantage pour moi est que je ne travaille pas pour les assurances privées (ce que font tous les médecins qui prennent les assurances médicales) et ils ne fixent donc pas mes tarifs. Ce qui me permet de passer beaucoup plus de temps avec mes patients ( 45 a 60 minutes si besoin), d’avoir beaucoup de flexibilités pour pouvoir les recevoir le jour même. Je suis aussi disponible par téléphone et par email.

 9-Vous proposez un système de consultation en ligne, pourriez vous nous en dire davantage ? Est-ce ouvert à tous à travers le territoire américain ?

Les consultations en ligne sont utilisées, la plupart du temps par mes patients qui sont géographiquement éloignés, par des français en voyage aux Etats Unis, ou alors pour des patients qui veulent surtout des conseils médicaux  pour mieux naviguer dans un système qui ne leur est pas connu. Certaines choses peuvent être aussi traitée en ligne comme la nutrition, les régimes, choix d’assurance, éducation et conseil pour les jeunes enfants …

 10-Que pensez vous des minute clinics qui se généralisent de plus en plus dans les drugstores et les supermarchés

Je pense qu’elles peuvent être “ à double tranchant”, c’est a dire pratique et rapide (souvent dans des supermarchés on peut faire ses courses et en profiter pour avoir une consultation), peu cher mais il fait bien comprendre que dans la plupart de ces minutes cliniques ce n’est pas un médecin que vous voyez.

Pour en savoir plus : Dr Valérie Gurlé a fermé son cabinet.


Vous voulez en savoir plus ?

 Je m’appelle Isabelle Guglielmi, je suis Docteur en Pharmacie et certifiée en aromathérapie.
Vivant depuis de nombreuses années aux Etats-Unis, j’ai décortiqué le système de santé aux Etats-Unis et j’ai rassemblé de nombreuses informations dans un livre :
Comprendre les Système de Santé aux Etats-Unis

Ce livre est disponible sur Amazon.fr et Amazon.com

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3 réflexions sur “Interview d’un médecin français exerçant aux Etats-Unis”

  1. Bonjour,
    Ma fille est en 5 année de médecine a Bordeaux.Nous avons la nationalité Américaine .Mathilde aimerai faire une spécialité aux US
    Pouvez vous me conseiller ou me dire quelle serai la meilleure démarche
    merci Marc

    1. bonjour,

      Je suis jeune médecin ayant fini mon internat
      je suis intéressé pour partir exercer aux états unis. Mais les informations sont difficiles a obtenir.
      avez vous pu avoir des informations concernant votre fille?
      merci pour votre retour
      voici mon email si vous le souhaite
      deenasty2@hotmail.com

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